Des processions dans les rues de Cervens en 1931

La loi de séparation des églises et de l’État, à l’initiative du député socialiste Aristide Briand, est proclamée le 9 décembre 1905. Elle met fin au régime concordataire de 1801, conclu par le pape Pie VII et Napoléon Bonaparte qui régissait les rapports entre l’Église catholique (seule religion admise à l’époque) et le gouvernement français.

Loi du 9 décembre 1905

Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. […] »

Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. […] »

En terres catholiques, cette loi a provoqué bien des protestations, voire des conflits, parmi les populations, notamment pour la réalisation de l’inventaire des biens de l’Église. Le 9 novembre 1907, probablement pour faire cesser des troubles dans sa commune, la maire Maurice Vittet prend un arrêté interdisant les processions.

Arrêté municipal du 9 novembre 1907

« Le maire de la commune de Cervens,

« Vu les articles 91, 94 à 97 de la loi du 5 avril 1884, considérant que les processions et autres manifestations extérieures du culte sont de nature à provoquer des désordres ou à faire craindre des conflits pouvant être dangereux pour la sécurité publique,

« Arrête :

« À partir de la publication du présent arrêté, la circulation et le stationnement des processions et autres manifestations extérieures du culte sont interdites sur les voies et places publiques de la commune de Cervens. »

Signé : Le maire, Vittet Maurice

Il sera à nouveau question de cet arrêté en juillet 1930, pour les mêmes raisons. Mais, comme en témoignent les photos ci-dessous, prises en juin 1931 à l’occasion « de la Fête-Dieu, de la communion solennelle et de la première messe du premier prêtre de la paroisse depuis au moins la Révolution française et, enfin, la procession de réparation et de la bénédiction de la nouvelle croix du Reyret » (extrait du bulletin paroissial de juillet 1931 ; le curé du moment, l’abbé Bergier, semble considérer qu’il n’y a pas eu, à Cervens, de prêtre digne de ce nom depuis la Révolution !?), des processions ont encore eu lieu bien après l’arrêté de 1907. Elles ont cessé au début des années 1960.

L’écrivain suisse Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947), dans son roman Jean Luc persécuté donne la description d’une procession à l’occasion de la Fête-Dieu, dans un village catholique du Valais, vers 1900 :

« Ce fut encore bien autre chose le jour de Ia Fête-Dieu, qui est une des grandes fêtes. La procession, ce jour-là fait le tour du village. Le long des rues partout où elle devait passer, on avait planté des acacias, tout neigés de fins flocons blancs qu’on avait été couper dans les haies. En outre, trois grands reposoirs avaient été dressés et ornés d’images et de vases, avec des  dais enguirlandés. Alors, au son des cloches, quand l’heure fut venue, tout le village s’ébranla, pour aller à l’église, d’où partit la procession.

« Longue comme tout, avec les croix, les bannières de couleur, les soldats aux beaux uniformes, la fanfare, les tambours, les petites filles à robe de mousseline blanche, des couronnes dans les cheveux, les filles sous leurs voiles, et puis les hommes et puis les femmes marchant sur deux rangs et chantant, elle se déroula à travers le village jusqu’au reposoir près de la fontaine ; les cloches sonnaient, les mortiers partaient. »

Cette procession aurait bien pu être celle de la Fête-Dieu de 1931 dans notre village.

Foule des grands jours pour la procession de juin 1931 : les bannières, les tambours, les enfants, les jeunes filles… dans un alignement (presque) parfait…

… sous l’œil attentif de Monsieur le curé (l’abbé Bergier ?). Remarquer, à l’arrière du cortège, les drapeaux français.

Arrivée du cortège, au Reyret. La croix est encore visible aujourd’hui, en bord de route, côté lac. Photos DR, collection JF Noël.